
Chaque année, à l’approche de la saison des pluies, les habitants de Lomé et de nombreuses autres localités togolaises vivent dans l’angoisse. Les inondations, causées par des pluies intenses combinées à un mauvais réseau d’évacuation des eaux, exposent les populations à des pertes matérielles, des maladies hydriques et des déplacements forcés.
Face à ce tableau, un tournant majeur semble se dessiner avec le lancement récent du Réseau d’Assainissement par Intercepteurs pour la Non-inondation de nos Espaces (RAINE). Que savoir de ce projet et quels peuvent être les manquements auxquels il faut s’attaquer très tôt ? Dans cet article nous vous proposons une dissection à la loupe de notre rédaction.
Par Hervé Komi ADJAHO
Une situation chronique devenue critique
Depuis plusieurs décennies, la problématique des inondations est devenue une urgence environnementale et sociale au Togo, en particulier à Lomé, où l’urbanisation peu contrôlée, l’obstruction des caniveaux par les déchets solides et l’absence de systèmes d’évacuation adaptés aggravent la situation. Des quartiers entiers comme Bè, Akodésséwa, Nyékonakpoé, Adidogomé, Adakpamé, Kégué Zogbédji, Awatémé et autres sont régulièrement transformés en véritables lacs temporaires.
Face à la recrudescence de ces phénomènes extrêmes, exacerbés par le changement climatique, la nécessité d’une réponse structurelle, efficace et pérenne s’est imposée.
Le projet RAINE : une réponse stratégique et structurante
La construction des retenus d’eau dans plusieurs quartiers semblait être une solution parfaite ; mais le constat a été et reste amère suite à ces pluies. Les cris des populations et victimes deviennent de plus en plus alarmants.
C’est dans ce contexte que le gouvernement togolais, à travers le ministère de l’Eau et de l’Hydraulique villageoise, a initié le projet RAINE. Ce projet ambitieux vise à installer un réseau d’assainissement moderne par intercepteurs, qui permettra de capter, canaliser et évacuer rapidement les eaux de pluie avant qu’elles n’envahissent les zones d’habitation. Le projet a été lancé. On se demande donc, à quoi cela servira réellement ?
Concrètement, il s’agit de créer un système de grands collecteurs enterrés, équipés de dispositifs d’interception des eaux usées et pluviales, qui achemineront ces flux vers des zones de traitement ou de rejet sécurisé, tout en réduisant les risques d’engorgement.
Le projet cible en priorité les quartiers historiques de Bè, cœur battant de Lomé, mais prévoit une extension progressive à d’autres zones vulnérables. Le RAINE n’est pas seulement une infrastructure d’évacuation : il est conçu pour être intégré aux aménagements urbains, avec des solutions vertes telles que des bassins de rétention, des jardins pluviaux, et la revalorisation des canaux naturels.
A quel impact doit-on réellement s’attendre ?
L’objectif du projet est de prévenir les inondations. Mais il faut dire que RAINE devrait aussi contribuer à améliorer la santé publique en limitant la prolifération de maladies hydriques, améliorer la mobilité urbaine, sécuriser les habitations et infrastructures, et renforcer l’attractivité économique des zones concernées.
Cette approche préventive, qui privilégie une planification basée sur les données hydrologiques et une ingénierie résiliente au climat, marque une véritable évolution par rapport aux réponses d’urgence habituelles.
Dans sa présentation, il est bien clair que le projet a de l’avenir ; mais il faut se poser beaucoup des questions sur les défis à relever. Cependant, le succès du projet dépendra de plusieurs facteurs à l’instar de la qualité de l’exécution technique, de la maintenance régulière des ouvrages, de la sensibilisation des populations à la gestion des déchets et l’implication des collectivités locales.
A ce stade, il sera crucial que les citoyens eux-mêmes s’approprient cette initiative pour éviter que les nouveaux aménagements ne soient à leur tour obstrués. Un dialogue constant entre les autorités et les riverains est également nécessaire pour garantir la durabilité du projet. Sinon, ce serait un projet mort-né.
Pour chuter, il faut dire qu’à travers RAINE, le Togo veut ainsi poser les bases d’une résilience urbaine indispensable face aux défis du climat. Ainsi décrit, le projet s’inscrit dans une dynamique plus large d’adaptation et de modernisation des infrastructures urbaines, et pourrait devenir un modèle à suivre dans d’autres villes côtières d’Afrique de l’Ouest confrontées aux mêmes enjeux si réellement un suivi adapté est porté à sa réalisation sans gaspillage de fonds.
Vu tout ce qui précède, il est bien vrai que le temps de l’action ponctuelle semble révolu ; avec RAINE, le Togo fait le pari de l’anticipation et de la durabilité.